Sujet: prend dix chansons de ton auteur compositeur favori, et décris toi à travers elle en mettant en avant les périodes de ta vie qu’elles représentent.
Dix, c’est loin d’être facile quand on a plus de vingt ans de carrière derrière soi, mais je vais tenter de faire au mieux.
Se a vida é.
Peter Pan, la fin de mes années lycées pourtant particulièrement odieuses et rétrospectivement douloureuses et un de ces éclairs de lucidité qui nous font comprendre que l’insouciance de la jeunesse ne dure qu’un temps. Aujourd’hui, Peter Pan a vingt-sept ans et refuse toujours de grandir par tous les moyens possibles et imaginables. Life is much more simple when you’re young. That’s the way life is.
Being boring.
Pas évident de traverser quinze ans de sa vie avec la certitude accrochée aux tripes que je traversais la vie sans rien en faire d’intelligent. Études, amitiés, relations… ma première année de fac remonte déjà à huit ans, et il me semble ne pas avoir avancé depuis, pas évolué, ni mûri, ni grandi. La sensation que j’ai de ce temps qui coule autour de moi et que je n’ai jamais vraiment su saisir. And we were never holding back or worried that time would come to an end. Le moment a pourtant fini par venir où j’allais rentrer un peu malgré moi dans l’âge adulte, sans avoir jamais rien fait de ma jeunesse.
Love comes quickly.
Été 1996, un visage à jamais gravé dans ma mémoire, et un prénom: Nathalie, monitrice de ma seule et unique colo, là aussi une expérience aussi dure qu’inoubliable. Avec le recul je réalise ma nullité absolue dès lors qu’il s’agit de relations humaines et leurs échecs systématiques. Nathalie est la première femme qui m’ait fait pleurer, et la première aussi qui ait accepté de se montrer faible devant moi pour gagner ma confiance en retour. Un amour à sens unique de ma part pour quelqu’un qui méritait beaucoup mieux. Love comes quickly whatever you do, you can’t stop falling. Difficile de se relever dans ces cas là, et neuf ans après, j’y pense encore.
It’s a sin.
Fraîchement arrivé en France, je retrouvais tous les été sur la côte Ouest de la France un groupe d’amis expatriés restés en Arabie Saoudite. Stages de voile, plages, croisières, vacances rythmées par une cassette, toujours la même d’une année sur l’autre. L’insouciance de l’enfance que l’on voit décliner sans illusions avant de se perdre de vue, chacun sa route et chacun son destin. Nous aurions pu renouer après l’enterrement, mais j’ai depuis longtemps compris qu’on ne recompose le passé que dans les musées, et plutôt mourir que devenir un bibelot poussiéreux. I’ve always been the one to blame.
West-end girls.
Combien de nuits passées à marcher au hasard dans les rues de Paris à me demander si oui ou non j’allais mettre fin à mes jours, si la vie valait la peine d’être vécue, et si j’avais la volonté de continuer dans la direction que j’avais moi-même choisie? Je n’ai pas l’impression d’avoir véritablement choisi, mais je suis toujours là pour en parler. In a west-end town, a dead end world, east-end boys and west-end girls. La vie vécue comme une voie sans issue, reste à savoir quand on en verra le bout.
Curieusement, je garde un souvenir particulièrement nostalgique de cette année là, la plus dure de mon existence, au point, tout simplement, de refuser d’en sortir.
Always on my mind.
J’ai rayé le mot hasard de mon vocabulaire après avoir rencontré cette petite blonde un soir d’été. Les événements s’enchaînaient trop parfaitement pour ne pas y voir l’intervention d’une main invisible, entre cette soirée à laquelle ma venue défiait toute logique et mon passage à Paris moins de dix jours plus tard au retour de mon dernier concours. Je la revois encore par trois fois piétiner mon ego à mort, et son visage qui me hantait jour et nuit jusqu’à l’obsession des mois durant. Tell me, tell me that your sweet love hasn’t died. Give me one more chance to keep you satisfied. Satisfied.
Happiness is an option.
La prise de conscience que son existence a perdu toute chance d’accéder à un bonheur véritable et entier comme leitmotiv de plusieurs semaines de silence et de solitude quasi complètes, à la fois désirées comme une bouffée d’oxygène après quelques années trop intenses pour prendre le temps ne serait-ce que de m’asseoir et me demander où je me trouve et dans quelle direction je veux aller et redoutées pour ce qu’elles me mettent face à moi-même et à mes certitudes un peu trop dérangeante. Une chanson qui revient en boucle dans mon lecteur CD du bureau comme pour graver ses paroles au plus profond de moi. It is not easy / don’t give up now / it is not easy / happiness is an option. Don’t give up, comme si je pouvais avoir une seconde chance.
DJ Culture
J’ai passé plus de dix ans de ma vie à tenter de ressembler, à faire semblant d’être moi pour toujours me planter à la fin sans comprendre que je me trompais dès le début. Dix ans à faire semblant d’être un autre qui ne trompait personne d’autre que moi, ou alors pas longtemps. Suivis d’un rejet systématique au profit d’une autre voie, la mienne, là encore complètement égocentrique et axée sur moi-même mais en réduisant le cercle social au plus petit dénominateur. J’ai tenu deux ans avant de devoir changer de route une fois de plus, cette fois contraint et forcé. DJ culture / dance with me / DJ culture / let’s pretend. Je me demande quand aura lieu ma prochaine mue et ce qui en ressortira.
Can you forgive her?
Une soirée, une seule, ma première sortie nocturne avec un ami un soir de mars 1993, et la découverte au Virgin de Bordeaux alors ouvert jusqu’à minuit. Tout un symbole que cette première fois d’adolescent, encore plus marquante que mon premier baiser. À l’époque systématiquement rejeté, j’aurais eu du mal à leur pardonner. Aujourd’hui, ce serait plutôt leur demander pardon. So ask yourself now, can you forgive her, if she wants you to?
Domino dancing.
Je n’ai pas vraiment choisi celle-ci pour la fin, elle s’est imposée d’elle-même après la neuvième, finalement elle tombe plutôt bien pour boucler vingt-sept ans de dynamique d’échecs volontaires, de vie de raté et de questions à jamais restées sans réponses. Que ce soient mes relations avec les gens que j’ai pu rencontrer, mes études, ou ce que j’entreprends d’une manière générale, je finis toujours par détruire la pyramide au moment d’en poser la dernière pierre. Là aussi, je soupçonne Peter Pan de vouloir ralentir le passage du temps pour ne jamais grandir. All day all day / watch they all fall down / all day all day / domino dancing.